Dirigée par Leonardo Garcia Alarcon, musicien prodigieux qui nous avait déjà ébloui il y a quelques mois chez Ambronay Editions par un album extraordinaire autour de Barbara Strozzi, cette nouvelle version de Judas Maccabaeus rayonne et séduit par son suprême équilibre. Et des solistes merveilleusement engagés. Éblouissant moment de musique !
« Leonardo García Alarcón signe ici un Judas Maccabeus très haut en couleur. Le Chœur de Chambre de Namur séduit par une plasticité, une douceur et une transparence sans faille, alors que 'Les Agrémens', ce prestigieux ensemble baroque qui doit tant à un Guy van Waas, brille de mille feux. Il s'agit assurément d'une interprétation magistrale qui devrait ravir tous les mélomanes. »
Pizzicato, Mai 2010
L’oratorio Judas Macchabeus fut l’une des opérations les plus lucratives de la carrière de Haendel : dès sa création en 1747, saison après saison, ce furent des représentations successives, atteignant les 54 reprises du vivant même du compositeur. C’est que le public en redemandait. Jusqu’au début du XXe siècle, c’était l’oratorio le plus joué de Haendel après l’inévitable Messie ; et pourtant, de nos jours, on l’ignore superbement. Pourquoi ce désintérêt ? Plusieurs explications sont avancées, la principale étant que l’ouvrage, bien que superbe musicalement, manque de conduite dramatique, d’ « action » et de personnages bien taillés. On assiste à la révolte des Macchabées telle qu’elle est narrée dans l’Ancien Testament, les Macchabées étant une tribu juive en prises aux Séleucides, mais dans un style narratif, descriptif, déclamatoire ; de nos jours, on serait dans l’incapacité totale de donner l’ouvrage sous une forme « mise en espace » comme cela se produit avec tant d’oratorios baroques (surtout dans la sphère anglo-saxonne, il est vrai), en l’absence de trame dramatique ou d’intrigue palpable. En réalité, Judas Maccabeus est une œuvre de son temps ; en cette époque de troubles politiques en Grande-Bretagne entre les Jacobites (qui souhaitaient le retour des Stuart à la tête de l’Angleterre et de l'Écosse) et les Hanovriens régnants, après la sauvage bataille de Culloden de 1746 et ses conséquences sanglantes à travers l'Écosse, l’oratorio évoquait à mots couverts l’esprit de révolte et exprimait le soulagement national devant la fin de cette guerre qui n’avait que trop duré – de 1688 à 1746, quand même ! Le militarisme exacerbé de l’époque fut sans doute la clé du succès de l’œuvre dont le caractère belliqueux servit d’exutoire. Au-delà de ces considérations historiques, il n’en reste pas moins que Judas Maccabeus est du plus grand Haendel, débordant d’invention harmonique et orchestrale, et dans lequel le chœur tient quasiment un rôle de soliste. Comme à son habitude, le compositeur recycle des matériaux plus anciens mais, fidèle à ses principes, ce sont toujours des réécritures totalement différentes ; ainsi l’ouverture orchestrale se base-t-elle sur un duo pour soprano et alto de sa période italienne ! Transformer un duo vocal en grande ouverture d’oratorio, c’est bien là tout l’art du Cher Saxon.