Cette nouvelle production de Zoroastre relève à la fois du prodige d’interprétation et d’une noble démarche de recherche historique et de démocratisation. Fruit d’un travail conjoint du Centre de Musique Baroque de Versailles et d’Alexis Kossenko à la tête de son orchestre Les Ambassadeurs, cet enregistrement nous donne à entendre pour la première fois au disque la version originale de l’opéra de Rameau, datée de 1649. L’accueil mitigé de l’oeuvre à sa création avait abouti, 7 ans plus tard, à une version fortement remaniée par l’auteur - version qui a tout simplement fini par supplanter la première jusqu’à nos jours.
En éminents spécialistes, les équipes du CMBV et les musiciens ont poussé loin leurs travail d’investigation dans un souci constant de jeu historiquement informé. Ainsi on retrouve à l’instrumentarium les effectifs exacts de l’orchestre de l’Opéra de Paris en cours dans les années 1750, de même que le diapason d’époque et l’utilisation de clarinettes spécifiques.
De nombreuses raisons ont été avancées pour expliquer le mauvais accueil de l’oeuvre en 1649 : remplacement de l’ouverture à la française par une ouverture à l’italienne, sujet issu d’une lointaine mythologie persane plutôt que de l’antiquité greco-romaine, l’absence d’intrigue amoureuse…Si la seconde version de 1756 finit par emporter l’adhésion générale, trois actes sur les cinq en sont complètement modifiés, ce qui prive l’auditeur de splendides passages de choix. On ne peut qu’acclamer cette formidable initiative de réhabilitation, servie par une distribution impeccable. Jodie Devos et Véronique Gens sublimes en Amélite et Erinice. Quant à Reinoud van Mechelen, il campe un Zoroastre sophistiqué et subjugue par la clarté de sa diction. Le choeur de chambre de Namur n’est pas en reste et offre une agréable profondeur à la texture d’ensemble. Un disque qui séduira les amateurs du genre autant que les plus avertis des musicologues. © Pierre Lamy/Qobuz
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